Dans son livre Libre, pour la vérité et la justice , Laurent Gbagbo raconte les heures dramatiques et intenses qui ont précédé sa capture, dévoilant les circonstances de l’attaque de sa résidence à Abidjan en avril 2011. Loin d’une simple intervention militaire, cet épisode marque un tournant dans la crise post-électorale ivoirienne, mettant en lumière les tensions géopolitiques et les actes de violence qui ont secoué le pays.
Le 31 mars 2011, le bombardement de la résidence de Laurent Gbagbo, qu’il distingue du palais présidentiel, débute. Il se trouve alors dans un tunnel blindé construit à l’origine pour permettre au président de fuir en cas de coup d’État. Un symbole d’une époque révolue, qui, en ce moment de crise, devient une protection défaillante face à la violence croissante. Ce tunnel, muré pour empêcher toute attaque par ce passage secret, est la dernière ligne de défense contre les forces extérieures, mais elle est aussi un reflet de l’isolement croissant de Gbagbo.
Les forces françaises, déjà impliquées depuis plusieurs mois en transportant et en armant les rebelles, passent à l’offensive en bombardant sans relâcher la résidence. Alors que des civils et des membres de son gouvernement se sont réfugiés là, croyant y trouver une sécurité qui s’avérera illusoire, des frappes aériennes visant directement ce qui est censé être un abri de paix. Gbagbo témoigne de la souffrance de la population : des enfants, des vieillards et des innocents qui se retrouvent pris dans ce qu’il considère comme une intervention militaire injustifiée.
Le 9 avril 2011, alors que la situation se dégrade, Gbagbo reçoit des nouvelles du ministre de la Défense français, Gérard Longuet. Toutefois, une frappe aérienne au moment même où il est en communication avec ses interlocuteurs démontre l’intention de tuer, et non de simplement viser des cibles militaires. Les attaques sont incessantes, et malgré les tentatives de résistance de l’armée ivoirienne, l’aviation française intervient exclusivement pour les stopper. Gbagbo, dans sa réflexion, pointe la légitimité du recours à la force militaire étrangère : pourquoi, s’interroge-t-il, une simple crise électorale justifie-t-elle un tel déploiement de violence ?
Le récit de la dernière nuit avant sa capture est d’une intensité rare. Les rebelles, soutenus par les militaires français, parviennent à briser les portes de la résidence à l’aide d’un char, pénétrant dans l’enceinte alors que les bâtiments sont déjà en flammes sous les attaques des hélicoptères. Dans la fumée épaisse et la panique, une voix s’élève : « On veut Gbagbo ! » Gbagbo, déterminé à ne pas se laisser abattre sans se battre pour sa cause, se révèle aux assaillants : « C’est moi Gbagbo. » C’est à ce moment-là qu’il rencontre Wattao, un chef rebelle, qui ordonne de ne pas le toucher.
Au-delà du choc de la violence physique, l’aspect psychologique est tout aussi frappant. Gbagbo et ses proches sont filmés par des caméras de l’armée française, immortalisant cette capture qui, selon lui, représente bien plus qu’une simple arrestation : il est devenu le symbole de la résistance à une intervention étrangère.