Premier avis de tempête en vue de la succession en 2027 ? Les relations entre Emmanuel Macron et son ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui cultive volontiers sa différence, virent à l’orage autour du dérapage budgétaire sur fond de campagne européenne.
Les piques du chef de l’Etat, savamment distillées dans les médias, plantent le décor à chaque mise au point du locataire de Bercy sur l’état des finances publiques, avec en toile de fond l’épée de Damoclès d’une possible dégradation de la note de la France le 26 avril par l’agence Moody’s.
Lors d’une réunion des cadres de la majorité lundi à l’Elysée, Emmanuel Macron a déploré de voir le gouvernement s’infliger des « leçons de sérieux budgétaire matin, midi et soir« .
« Si on commence à péter la confiance, c’est fini« , a-t-il lancé, selon un participant, dans une intervention en forme d’explication de texte en direction de son grand argentier.
Pour l’exécutif, qui préfère mettre en avant la réindustralisation du pays et le taux d’emploi « élevé« , ces débats, à coups de « milliards d’économies« , « ça fait peur » aux Français, « c’est très anxiogène« . « Il faut être un peu responsable« , soulignent plusieurs conseillers.
Bouclant la boucle, le chef de l’Etat a rejeté l’idée d’un projet de loi de finances rectificatif (PLFR) pour 2024, suggéré par le ministre de l’Économie, mais susceptible d’ouvrir la voie à une motion de censure de l’opposition.
Stratégie personnelle
En mars, Emmanuel Macron avait déjà ironisé sur l’offensive médiatique de Bruno Le Maire sur fond de dérapages budgétaires. « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie depuis sept ans« , avait-il lâché, selon un familier du palais.
Les interrogations se multiplient sur la stratégie du locataire de Bercy, en passe de battre le record de longévité à ce poste, et la portée de l’agacement présidentiel.
Ce pilier du gouvernement, venu de la droite et fidèle au président depuis 2017, est soupçonné de chercher une porte de sortie, alors que les européennes s’annoncent difficiles pour la Macronie, mais aussi d’anticiper la suite.
Entend-il entrer à son tour dans la course à la présidentielle de 2027, à laquelle Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter et son ex-Premier ministre Edouard Philippe est déjà candidat? En se posant en parangon de vertu budgétaire après la politique du « chèque en blanc » reprochée par la droite à Emmanuel Macron?
Pour l’Elysée, l’affaire ne fait guère de doute. A des élus qui s’inquiétaient auprès de la présidence d’une possible baisse des dotations aux collectivités locales, un conseiller a assuré, selon l’un deux : c’est « une stratégie personnelle de Bruno Le Maire pour 2027, le président ne compte pas vous embêter« .
Pour d’autres, le ministre se tire une balle dans le pied. « Il est coutumier des sorties solitaires« , lâche une parlementaire de la majorité. Mais ces sorties sont aussi un « aveu d’échec personnel« , avertit-elle, l’invitant à « assumer ses responsabilités« .
Calmer le jeu
Sur le PLFR, c’est Bruno Le Maire qui « poussait« , « certains se demandent s’il ne cherche pas la motion de censure« , esquisse un cadre du groupe Renaissance. Si elle passait, ça pourrait lui permettre de « prendre le pouvoir » en étant nommé à la tête d’un nouveau gouvernement, spécule cette même source.
Le gouvernement a présenté une nouvelle trajectoire budgétaire: Bercy anticipe désormais un déficit de 5,1% du PIB cette année qui nécessitera de trouver encore 10 milliards d’euros supplémentaires, pour un retour à 2,9% du PIB en 2027.
Et chaque camp essaie de temporiser. « Tempête dans un verre d’eau« , Emmanuel Macron a « arbitré » en rejetant l’idée d’un PLFR, « il faut calmer le jeu« , enchaînent en coeur des conseillers de l’exécutif.
« Des options étaient sur la table, le président a tranché« , commente aussi laconiquement l’entourage du ministre. « C’est normal et sain d’échanger avec des parlementaires« , ajoute-t-on de même source, alors que Bruno Le Maire s’est vu reprocher de plaider pour sa cause, par SMS, auprès de certains d’entre eux.
Pour le député Renaissance Charles Sitzenstuhl, « l’obsession première de Bruno Le Maire est de garantir la crédibilité budgétaire de la France« . « Il n’y a pas de billard à quatre bandes (…) Il n’est pas du tout dans l’idée de sortir du gouvernement« , croit-il savoir.