« Comment Kader Doumbia a été torturé… » : Mamadou Traoré fait des révélations

Voici ce que Kader Doumbia en dit dans les lignes qui suivent, à la page 75 de son livre SOROKAHA, LE CIMETIÈRE DES VIVANTS.

Que ceux qui sont sensibles, qui ne résistent pas aux émotions fortes,ne lisent pas ces passages. J’insiste. Cette description n’est pas de moi.Elle est de l’auteur, Kader Doumbia, qui raconte les tortures qu’il a subies dans son lieu de torture pour lui arracher des aveux contre Guillaume Soro. Ce sont ces aveux,arrachés sous la torture, qui ont été utilisés contre lui pendant son procès.

Voici, dans les lignes qui suivent, la description des séances de torture de Kader Doumbia. « J’ai été livré à (..Lieu de torture)au soir du jeudi 17 janvier 2019 aux environs de 20h. Je m’en souviens exactement parce que l’un de mes geôliers avait demandé à son complice quelle heure il faisait vu qu’il n’était pas de garde ce soir là et était bien content de se débarrasser d’un prisonnier aussi encombrant et obstiné que moi.

Personne ne me demande comment je me sens, si j’ai besoin de m’hydrater ou s’il me faut quelque chose. Toujours encagoulé depuis que j’ai été pris,on me fait assoir sur une chaise puis mes chaussures,chaussettes,chemise et débardeur me sont enlevés.

Mes nouveaux amis, dans leur objectif de ne me donner aucun répit, ont pris soin de baisser la climatisation à son maximum pour que je sente les effets du froid sur mon corps et dans ma chair déjà endolories par le traitement qu’ils m’ont infligé. Je reste en pantalon, menotté, les mains dans le dos en attendant de savoir le sort que ces gens me réservent.

Je vais rester dans cette position pendant plus d’une heure à prendre froid au point où mes dents avaient commencé à claquer. Claquement dû à la température ambiante dans la pièce. Puis la porte va finir par s’ouvrir et une personne va faire son entrée.

Ce dernier va me mettre une deuxième cagoule sur la tête pour assombrir encore plus ma vision déjà inexistante.
Enfin ,il va commencer à me parler et à me bombarder de questions du genre ;
-Qui sont tes complices dans la tentative de coup d’Etat que vous étiez en train de préparer ?
-Où tu as caché les armes qui vont vous servir pour votre attaque ?
-Quand avez vous prévu de mettre votre plan à exécution ?
-Quels sont tes liens avec le commandant Herman et le commandant Fofana ?(Ces deux sont déjà en prison.Ce sont les aides de camp de Guillaume Soro)
Après ce flot ininterrompue de questions, il va ensuite passer aux affirmations ;
-Il y a longtemps qu’on vous suit toi et ta bande.On sait que vous préparez une déstabilisation du pouvoir de Alassane Dramane Ouattara

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-Nos services ont les enregistrements de ton patron Guillaume Kigbafori Soro sur lesquels on l’entend en train de confirmer son plan de coup d’Etat contre le régime.(La fameuse bande audio brandie par Adou Richard)
-Tous vos complices ont déjà été pris et sont en train de passer aux aveux.
Une longue liste de questions et d’affirmations vont ainsi se succéder pendant longtemps sans que je ne réponde à aucune d’elles.

Mon premier interrogateur va finir par être remplacé dans la pièce par un autre qui, lui aussi, va venir me poser les mêmes questions et faire les mêmes assertions pendant un temps que je ne saurais estimer avant de laisser,lui aussi, sa place à un troisième qui viendra à son tour jouer sa partition.

Je ne répond à aucune de leurs questions et ne prononce,pour ainsi dire, pas le moindre mot tout le temps que va durer ce calvaire psychologique que je suis en train d’endurer.

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Car, au delà de mes mains endolories par les menottes et ankylosées par l’effet du froid qui fait que je ne les sens plus,il y a aussi le fait que l’allure à laquelle mes bourreaux s’obstinent à me poser les questions est faite à dessein.
Leur but est de ne me laisser aucun moment de répit qui pourrait me permettre de m’assoupir un temps soit peu pour me remettre de mes émotions.

Je vais être soumis à ce traitement toute la nuit et ce n’est qu’au petit matin que mes interrogateurs vont mettre fin à leur besogne.  Je suis alors sorti de la salle d’interrogation et jeté dans une minuscule cellule.

On me retire enfin les menottes mais mes yeux mettront au moins cinq bonnes minutes pour s’adapter à la petite lumière du jour à cause du long moment que j’ai passé dans l’obscurité encagoulé.

Je pourrais alors constater que ce n’est ni moins qu’un cachot où je peux à peine me mouvoir. Le plafond est à une hauteur de moins d’un mètre cinquante et ne facilite pas les déplacements. Sans oublier l’humidité et l’odeur exécrable qui règne dans cet endroit. Pour moi qui suis maniaque ,comme dit mon épouse,pour tout ce qui a trait à l’ hygiène, c’est vraiment pénible.

D’autant plus que le seul point d’eau est un tout petit robinet qui est, lui ,situé juste au dessus de l’endroit qui doit me servir de toilette dans ce lieu. Je comprends bien que cela est fait exprès pour priver le prisonnier de toute humanité et le renvoyer à l’état d’animal .Les animaux qui, même eux, ne s’abreuvent pas au même endroit où ils défèquent.

Pour le moment ,je dois survivre loin de toutes ces considérations. Alors, je récupère une petite bouteille en plastique qui traîne sur le sol que je prends la peine de rincer à plusieurs reprises avant de récupérer un peu d’eau pour enfin pouvoir mouiller mes lèvres et étancher ma soif.

Après quoi, je cherche l’endroit le moins humide et je me couche en chien de fusil. Je n’ai pas le temps de penser à quoi que ce soit que je m’endors immédiatement après, exténué par les douleurs que je ressens et surtout affaibli par la privation de sommeil. Je suis réveillé en sursaut, 30mn plus tard, par les cris de mes geôliers venus me chercher pour une nouvelle séance de questions sans réponses.

Ils vont, au lieu de cela, toujours après avoir pris soins de me mettre deux cagoules sur la tête, me conduire dans une véritable chambre froide, où ils me laisseront me transformer en glaçon pendant au moins deux bonnes heures avant de revenir me chercher pour m’embarquer dans un véhicule pour une destination inconnue.
Nous finissons par arriver, peu de temps après, dans un endroit et on m’installe dans le même confort que la veille sur une chaise avec les menottes dans le dos.

Je vais subir un traitement identique jusqu’au petit matin une fois de plus avant qu’ils ne me ramènent dans ma cellule dans mon lieu de torture. Je vais subir ce traitement de choc d’habitude réservé aux plus dangereux terroristes de Boko Haram ou de Al qaida pendant trois jours pleins avant que mes tortionnaires se décident enfin, en cette journée de dimanche, à me donner à manger.

J’ai souvenir que l’on me donne un plat d’attieke* accompagné d’un minuscule poisson qui s’apparente à un alevin tellement il est insignifiant. Mais la privation de nourriture a rendu mes lèvres, ma bouche et ma gorge sèche.Et il est difficile pour moi de pouvoir bien mâcher et avaler les aliments.

Des crampes à l’estomac m’empêchent également de pouvoir manger la quantité de nourriture suffisante. En tant que militaire,je sais que la moindre vitamine m’est nécessaire si je veux pouvoir résister au traitement barbare que je suis en train de subir.

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Néanmoins ,malgré toute ma bonne volonté ,je ne fini pas le petit plat qu’on m’a donné et fini par retourner me coucher pour faire passer mes douleurs.
Le soir même, je comprends rapidement que le plat que l’on m’avait servi était une maigre consolation pour me préparer à ce qui allait suivre.
Je le dis parce que c’est ce soir de dimanche que mes hôtes décident de passer à une autre phase de leur traitement.

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