Après l’acquittement de Gbagbo, pourquoi la CPI veut poursuivre le camp Ouattara

Poursuivis et jugés pour des allégations de crimes contre l’humanité à La Haye, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été acquittés.

C’est cette réalité et nouvelle donne qui justifie la position de certains observateurs de la scène politique ivoirienne qui ont suivi ce procès dit de la honte. Selon eux, si le président Laurent Gbagbo a été acquis par la justice internationale parce que aucunement responsable des nombreux crimes qui ont été commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011, il faut absolument jeter un regard dans le camp de son adversaire (Alassane Ouattara) au moment de la commission des crimes allégués.

Cela est plus légitime et serait équitable parceque ce sont les actuels tenants du pouvoir qui ont fourni le chiffre officiel de 3000 morts du fait de cette crise.

« Si Laurent Gbagbo est acquitté, alors qui a commis ces crimes pour lesquels il a été poursuivi ? », s’interroge un observateur.

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Par ailleurs, des organisations de défense de droits de l’Homme n’ont jamais cessé de réclamer que les responsables des 3000 morts, soient traduits devant les tribunaux. Etait-ce en réponse à leur appel que Fatou Bensouda, alors procureur de la CPI avait soutenu que les enquêtes portant sur le camp Ouattara, étaient en cours ? « Aujourd’hui, je peux affirmer avec une conscience tranquille que j’ai fait tout ce que je devais faire dans ce dossier (affaire le procureur contre Gbagbo). Ce sur quoi il faut se concentrer, c’est que 3000 Ivoiriens sont morts. Souvenons-nous des victimes de ces crimes. Elles méritent justice », avait-elle déclaré. Et d’être plus précise. « Je saisis l’opportunité pour dire que mon bureau à la CPI n’a pas enquêté qu’un seul côté. Nous sommes en train d’enquêter dans l’autre camp (camp Ouattara) », avait-elle déclaré dans le journal Afrique de TV5.

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Cette déclaration d’intention de la CPI de poursuivre les criminels du camp Ouattara, a été réitérée à la tribune de l’ONU , le 10 novembre 2021 par le président de la CPI, le juge polonais Piotr Hofmanski. « Situation en Côte d’Ivoire (…) Le bureau du procureur a effectué seize (16) missions dans (3) pays et a continué de recueillir des éléments de preuve concernant les crimes qu’aurait commis les autres parties impliquées au cours des violences qui ont suivi l’élection de 2010 », avait-il fait savoir.
Par cette déclaration, tout le monde est d’accord que le dossier ivoirien est loin d’être bouclé.

Cependant, il reste à savoir si le régime d’Abidjan va toujours continuer de collaborer avec la juridiction internationale.

En effet, le chef de l’Etat ivoirien avait déclaré en 2016 qu’il n’enverrait plus d’Ivoiriens se faire juger à la Haye.

Cette décision d’Alassane Ouattara, est vue par certains analystes politiques comme une manoeuvre dilatoire visant à éviter ou retarder la comparution des éléments de son camp.

Cependant la CPI dont l’image est gravement détériorée auprès de l’opinion africaine en général et en particulier ivoirienne, peut-elle ne pas faire justice aux milliers de victimes ivoiriennes?

Faut-il le rappeler, les deux premiers procureurs (Luis Moreno Ocampo, ensuite Fatou Bensouda) de cette juridiction avaient effectué plusieurs voyages au bord de la Lagune Ebrié dans le cadre du dossier Laurent Gbagbo.

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C’est pourquoi l’attitude des nouveaux responsables de la CPI, est dénoncée. Cette cours semble moins active dans le dossier du camp Ouattara, contrairement dans le cas du dossier Laurent Gbagbo.

Toute chose qui amène certains observateurs à s’interroger « A quand la poursuite du camp Ouattara ?», s’interrogent ces observateurs qui ne comprennent pas l’attitude et la démarche de cette juridiction internationale.

Pour le politologue ivoirien Martial Bédié, la CPI est incohérente dans sa démarche et il en donne les raisons.

« Pourquoi attendre davantage pour poursuivre le camp, alors que les preuves accablantes existent en abondance ? La CPI, il faut le dire est sortie perdante, voire humiliée après le procès de Laurent Gbagbo dont le dossier a été mal ficelé. Ce procès qui était à la vérité un règlement de compte politique a terni son image. Cette cour a les images des massacres de masse de Duékoué et celles des autres localités de la Côte d’Ivoire. Ces vidéos accablent plus les anciens chefs rebelles qui combattaient pour Ouattara.», a-t-il martelé.

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Lors de son procès à Abidjan, le milicien burkinabé Amadé Ourémi avait nommément cité les chefs rebelles qui étaient à la tête de l’expédition punitive à Duékoué. Celui qu’on surnomme le boucher du Mont Péko avait ému la salle d’audience, en racontant les horreurs commises au Carrefour Duékoué. << Ils étaient beaucoup (les morts). Je n’avais jamais vu ça dans ma vie>>, avait relaté l’ancien rebelle.

La CPI a désormais l’occasion historique de redorer son blason, en poursuivant simplement les criminels du camp Ouattara.

 

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