Alors que leur leader maintient le flou total au sujet de sa candidature au scrutin présidentiel de 2025, les cadres du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, n’en finissent plus d’enchaîner les bourdes sur la place publique, certainement sous la pression de l’opposition. Le dernier impair en date, émane du ministre de l’Equipement et de l’entretien routier, Amédé Koffi Kouakou.
D’un côté, il y a le grand chef qui se mélange les pinceaux sur ses propres chiffres. De l’autre côté, il y a ses lieutenants, qui vont dans tous les sens, sortant parfois des énormités indignes de leurs positions dans l’administration ivoirienne. Samedi dernier à Divo, lors d’un meeting dit d’hommage à Alassane Ouattara, le ministre de l’Equipement et de l’entretien routier, en voulant apporter la réplique à Tidjane Thiam, s’est tout simplement loupé.
« En 13 ans, le président Ouattara a multiplié le salaire des Ivoiriens par trois, c’est de ça qu’il s’agit. Lorsqu’on ne connait pas le pays lorsqu’on a été longtemps loin du pays, on ne vient pas raconter des choses qui ne sont pas exactes, arrêtons de plaisanter avec le président Ouattara, il travaille pour ce pays et nous sommes fiers d’être avec lui », a commencé Amédé Koffi Kouakou, avant d’enfoncer le clou. « Il (parlant du président du Pdci) a dit ceci, il y a 193 pays dans le monde et que la Côte d’Ivoire est 160ᵉ dans l’indice de développement humain. Nous, on ne fait rien avec ça, nous qui sommes là, nous savons que nous nous sentons bien, aujourd’hui grâce au Président Alassane Ouattara. En 2011, on avait environ 30 % de taux d’électrification, aujourd’hui notre pays a presque 100 % de taux d’électrification dans les villages, c’est de ça qu’il s’agit, il n’y avait pas de route. Est-ce que l’autoroute arrivait jusqu’à Bouaké ? Aujourd’hui, l’autoroute arrive jusqu’à Bouaké. Indice de développement humain ou pas, on s’en fou de ça. Le plus important, c’est de faire le bonheur des Ivoiriens », a retorqué le cadre du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix.
Le ministre qui est par ailleurs président du conseil régional du Lôh-Djiboua, avait donc remis le couvert le week-end dernier, dans son fief, après avoir tenté en vain de faire échouer le meeting du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) à Soubré, en organisant la cérémonie d’investiture d’un chef de la communauté baoulé, à la même date prévue pour ce rassemblement de l’ancien parti unique.
GROSSE POLEMIQUE AUTOUR DU SORT DES IVOIRIENS
Sait-il au moins qu’il a mal joué sa gamme sur toute la ligne ? « La communication de certains pontes du Rhdp est juste catastrophique. A sa place, j’aurais mis l’accent sur le nombre de kilomètres (mon domaine) et sur comment ça change la vie avant de montrer l’évolution », relève dans un twitte l’analyste politique, Arthur Banga, pourtant réputé tendre avec le pouvoir. La sortie d’Amédé Koffi Kouakou, visait à remettre à sa place le nouveau président du Pdci qui, à l’occasion du meeting du 22 juin 2024 à Soubré, n’a pas été tendre avec le chef de l’Etat, Alassane Ouattara. « Le district du Bas-Sassandra est la première région productrice de fèves de cacao de Côte d’Ivoire.
Région riche de sa diversité ou cohabitent paisiblement toutes les communautés vivant sur le sol ivoirien, les populations ont accueilli et cédé les terres pour que la Côte d’Ivoire soit première productrice de cacao. La région produit également en grande quantité de l’huile de palme, du caoutchouc naturel, etc. Toute la Côte d’ivoire agricole s’est donnée rendez-vous dans la Nawa. Malheureusement, cette zone aux richesses économiques indéniables, demeure l’une des moins nanties en matière d’infrastructures socio-économiques de base, entraînant encore dans la région beaucoup de décès de femmes au moment de l’accouchement chaque année.
Les routes économiques, notamment pour l’évacuation des productions agricoles ou le déplacement des personnes sont encore trop peu nombreuses, dans un état déplorable voire inexistantes. Ce n’est pas acceptable. Ce n’est plus acceptable. Cela doit absolument changer. Gouverner, ce n’est pas seulement la fierté d’être élu ou de se maintenir au pouvoir, c’est d’abord et avant tout, apporter des solutions concrètes aux préoccupations, aux souffrances des populations qui nous ont accordé leurs suffrages. C’est véritablement se mettre à leur service », a asséné l’ancien ministre du Plan et du développement, cinq jours après un discours du chef de l’Etat devant le Parlement réuni en congrès.
Dans cette adresse, M. Ouattara avait dressé un tableau plutôt flatteur de sa gestion du pays depuis 13 ans. « Depuis quelques années, le quotidien des Ivoiriens est plus que difficile. Ils doivent faire face à des défis majeurs et de sérieuses difficultés pour prendre soin de leurs familles et réaliser leurs rêves. Ce jour, je m’attarderai juste sur certains points, notamment : la mévente des produits agricoles avec la paupérisation grandissante des populations rurales et de nos parents planteurs; la montée des eaux pendant la saison des pluies et les inondations qui paralysent totalement nos villes, et Abidjan en particulier, avec son lot de tristesse chaque année ;
les déguerpissements sauvages dépourvus de toute humanité ou compassion, le coût sans cesse croissant de l’électricité pour les ménages et les entreprises, la cherté du coût de la vie et l’endettement massif pour un pays comme la Côte d’Ivoire, qui compromet l’avenir de nos enfants. L’Indice du développement humain ou IDH est la mesure la mieux acceptée internationalement de développement des pays. En un an, la Côte d’Ivoire est passée de 159e à 166e dans le monde sur 193 pays, re culant de 7 places en un an sur cet indice qui mesure l’espérance de vie et le niveau d’éducation. Nous sommes désormais dans les 30 derniers pays du monde sur 193 », avait insisté dans son réquisitoire le successeur d’Henri Konan Bédié, à la présidence du Pdci, provoquant une colère noire chez les partisans de l’ex-directeur général adjoint du Fonds monétaire international.
THIAM BAT LA CHARGE
D’où la sortie ce samedi 29 juin d’Amédé Koffi Kouakou, précédé quelques jours auparavant par le porte-parole du gouvernement. « Pour les questions d’IDH, je peux comprendre qu’au nom de la politique on veuille s’accrocher à quelque chose, mais parfois, c’est important d’éviter de s’accrocher à des écrans de fumée. La réalité, nous invite à relire l’adresse du chef de l’Etat devant le congrès. La réalité c’est au taux d’électrification qui avoisine les 90%. Nous sommes passés de 2850 localités environ à plus de 7500 localités électrifiées en 2022. C’est cela la réalité. La réalité c’est la qualité de notre électricité avec le taux moyen de coupure qui était de 47 heures et qui est passé à 29 heures. En termes d’adduction d’eau, nous avons dépassé les 70% et nous avoisinons les 75% du taux de couverture », avait rembarré le 26 juin Amadou Coulibaly, le ministre de la Communication, lors du point-presse d’après-conseil des ministres.
« Thiam est dans le populisme et est déconnecté des réalités de la Côte d’Ivoire depuis 24 ans », a réfuté de son côté Mamadou Touré, le ministre de la Promotion de la jeunesse, depuis Zoukougbeu, au Centre-Ouest du pays. Ce que ce porte-parole adjoint du gouvernement oublie, sans doute, c’est qu’il offre ainsi un autre fouet à l’opposition, pour battre le Rhdp, dont le leader, n’est apparu sur la scène politique ivoirienne qu’en 1990. Ce dont ne s’est pas privé le porte-parole du Pdci. Le même week-end, c’est un transfuge du Pdci, Basile Junior Gouali Dodo, qui se fourvoie sur le plateau d’une émission de télévision. « Il faut être aveugle pour ne pas voir l’imposture. Il faut être le Pdci pour qu’une commission électorale déclare l’éligibilité des candidats après les élections.
Il faut être le Pdci pour qu’un militant, après 24 ans d’absence au pays, vienne duper des anciens hauts cadres affamés et nécessiteux afin de ravir la place aux plus méritants et légitimes avec la complicité de certains comme vous et vos sbires. Pendant qu’il allait chaque année à Dakar pour chercher, je ne sais quoi, Thiam oubliait royalement son pays, la Côte d’Ivoire qu’il aime tant aujourd’hui et subitement. Il faut être le Pdci pour qu’un soi-disant militant non à jour de ses cotisations, qui n’est même pas venu aux obsèques de ses propres frères et sœurs, contribue au financement du parti. Vous avez vendu du bluff à vos militants qui malheureusement paieront les fruits de votre arnaque.
Le folklore que vous présentez çà et là concernant M. Thiam est de la duperie et de l’escroquerie morale et politique », a-t-il répondu, dans un discours ivoiritaire qui a dérangé plus d’un au sein du parti au pouvoir.
UNE APPROXIMATION DANS LA COMMUNICATION
« Avant 1990, personne en Côte d’Ivoire ne connaissait M. Ouattara. Par contre, les Ivoiriens ont une histoire avec le président Tidjane Thiam, qui fait ses études en Côte d’Ivoire. Et, après un début de carrière à l’international, il est revenu servir son pays à de hauts niveaux de responsabilités », avait chargé le 23 juin, sur le même plateau télé, Soumaïla Brédoumy Kouassi. A Dabou, ce vendredi 28 juin, pour lancer le maillage du terrain et mettre en route la Task Force de l’ancien parti unique, l’ex-directeur général du Bureau national d’études techniques et de développement n’a pas laissé passer l’occasion de jeter à nouveau une grosse pierre dans le jardin du pouvoir.
« Le Pdci est un parti qui a été fondé pour lutter, au départ, pour les planteurs. Il a toujours été focalisé, concentré sur les plus démunis. S’occuper du peuple, ce n’est pas du populisme. Quand nous parlons des préoccupations du peuple et qu’on nous dit que c’est du populisme, nous ne sommes pas d’accord. Le Pdci a toujours eu pour tradition d’aider les plus faibles. Notre ambition, c’est de faire en sorte que la santé et l’éducation soient de meilleure qualité, mais pas seulement à Abidjan. Pas seulement pour certains. Qu’elles le soient pour tous. Quand on dit le bonheur pour chacun, le progrès pour tous, ça voulait dire quelque chose », a objecté M. Thiam. Le 18 juin, devant le Parlement réuni en congrès, Alassane Ouattara s’était lui-même mélangé les pinceaux, sur ses propres chiffres.
« Les programmes pour l’amélioration de l’accès de nos populations aux services sociaux de base s’accélèrent avec la deuxième phase du Programme social du gouvernement (…) La mise en œuvre du programme hospitalier s’est accélérée avec la construction et la réhabilitation de plusieurs établissements de santé en 2022 parmi lesquels les CHR d’Aboisso, d’Adzopé, de San Pedro, de Man, les Hôpitaux généraux de Danané et Méagui, et le lancement des travaux du plus grand Centre hospitalier universitaire du pays à Abobo. Grâce à ces travaux et à bien d’autres encore, aujourd’hui, c’est plus de 75% de nos concitoyens qui bénéficient d’un centre de santé à moins de 5 kilomètres de leur lieu de résidence », renseigne ce 18 juin, le chef de l’Etat. En décembre 2022, lors de son allocution de fin d’année, Alassane Ouattara avait pourtant exhibé un chiffre en déphasage avec celui brandi mardi dernier.
UNE SERENITE QUI CACHE UN VENT DE PANIQUE
« Dans le domaine de la santé et de la protection sociale, la Couverture maladie universelle a connu une avancée significative, en termes d’enrôlement et d’accès aux soins. L’efficacité de la prise en charge des assurés s’est nettement accrue, conformément à notre engagement à garantir un accès universel à des soins de qualité (…) Notre politique de gratuité ciblée a aussi contribué à une réduction importante de la mortalité maternelle et infantile, et à la lutte contre le paludisme. Je dois ajouter que nous avons lancé une politique très volontariste de constructions d’infrastructures sanitaires avec des plateaux techniques modernes pour une prise en charge efficiente des patients. Ainsi, le Programme hospitalier, qui se poursuit, a permis de doter toutes les grandes régions du pays d’infrastructures de qualité. En 2023, ce sont 72% de la population qui ont accès à un centre de santé situé à moins de 5 km », avait-il exposé le 31 décembre 2022, dans son message à la nation.
Un discours largement critiqué par l’opposition et des organisations de la société civile. « La réconciliation nationale ainsi que la création d’un cadre démocratique sain et transparent, facteurs de paix et de cohésion sociale, ne constituent pas des objectifs pour le Président Alassane Ouattara. Pour lui, les seuls agrégats macroéconomiques suffisent à l’appréciation de la cohésion sociale et de la paix, facteurs de développement. Rien n’a été dit sur la libération des prisonniers politiques, la décrispation de l’espace politique, l’inclusivité et l’ouverture du jeu démocratique. La réforme de la CEI, le découpage électoral, l’amnistie pour les acteurs politiques condamnés et/ou en exil sont les vecteurs de réconciliation nationale royalement omis par le Président Alassane Ouattara.
Il a donc manqué, une fois de plus, l’occasion de rentrer dans l’histoire politique de notre pays par la grande porte, celle de la paix et de la fraternité », fustige Générations et peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro. A 15 mois de la présidentielle de 2015 et alors que l’opposition ne se met en branle que maintenant, avec la possibilité de se coaliser, la panique semble avoir déjà gagné les cadres du parti au pouvoir. Surtout que l’envie d’aller voir ailleurs, tend à gagner quelques cadres du Rhdp, en mal de promotion ou de positionnement. C’est le cas du maire de Hiré, Gilbert Francis Kacou.
Elu en septembre 2023 sous la bannière du Rhdp, ce transfuge du Pdci, a choisi de retourner dans son ancienne famille politique le 24 juin dernier, au grand dam des partisans d’Alassane Ouattara, qui réclament depuis lors sa démission de la tête du conseil municipal. Une demande à laquelle un proche de l’élu, oppose d’ores et déjà une fin de non-recevoir. « Dès lors que le Rhdp n’a jamais exigé aux élus des autres partis qui ont rejoint ses rangs, de démissionner avant de les accueillir, il est illogique de réclamer à ceux qui quittent le Rhdp pour adhérer à d’autres formations politiques de quitter leurs postes électifs », contre-attaque ce proche de Gilbert Francis Kacou.
Générations Nouvelles